Jérôme Belleau (Le Diplomate, livre 8)

Devant moi l’homme haletait comme s’il venait de fournir un effort terrible. Dans son visage gris, aux joues creuses, les cernes formaient deux larges taches sombres autour des yeux mi-clos. Ses mains étaient crispées sur le col de sa chemise de nuit et tiraient par saccades sur la toile grossière tandis que sa pomme d’Adam s’agitait dérisoirement le long de son cou maigre dont les muscles saillaient comme des cordes.
L’infirmière de garde dont je distinguais à peine les traits dans la pénombre passa lentement un linge sur le front luisant du mourant. Comme si ce contact l’avait un instant apaisé, le halètement s’interrompit net et l’homme ouvrit les yeux. Pendant une demi-seconde je crus qu’il m’avait vu, qu’il allait me parler. Puis son regard s’obscurcit, son corps se raidit tout entier, et il se remit à haleter, de plus en plus vite.
— Foutu ! murmura à mon oreille l’interne de garde ; il n’en a pas pour une heure… Et quand je dis une heure ! Regardez ! Il est déjà complètement cyanosé !