Jérôme Belleau (Le Diplomate, livre 6)

— Alors, dit Patricia, c’est ça, la vie de luxe ?
J’étais étendu de tout mon long sur une plage dont le sable, on le sentait fort bien, devait être ratissé deux fois par jour et tamisé une fois par semaine. À travers mes paupières à demi closes, je distinguais vaguement une immense étendue d’un bleu incroyable que troublaient de temps à autre de gros rouleaux de vagues, lesquels venaient s’abattre non loin de nos pieds avec une sorte de discrétion de bonne compagnie. Tout autour de nous, des centaines et des centaines de corps gisaient sur le sable avec cette immobilité qui fait quelquefois ressembler les plages à la mode à d’immenses champs de massacre couverts de victimes dénudées. À ma gauche, je devinais l’énorme silhouette du Diamond Head, le vieux volcan éteint qui domine l’île d’Oahu. À ma droite, c’était la masse non moins imposante, mais infiniment plus moderne, de l’Hôtel Riff, dont les dix-huit étages se dressaient avec une assurance insolente au bord du Pacifique,